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Taguim

Fichier:Example of Ashuri Ashkenaz Alphabet on Parchment.jpg
Les Taguim sont une ornementation qui décore certaines lettres de l’alphabet hébreu. Elle est constituée d’un petit trait vertical surmonté d’un point. Cet alphabet décoratif, appelé achouri (enrichi) ou STA"M (סת"ם acronyme de « Sifrei Torah, Téfiline, mezouzot »), se rencontre uniquement sur les manuscrits ( mezouzot, Téfiline,  Meguilote  etc.)


On ne connaît pas l’explication de ce phénomène, mais une légende du Talmud raconte, poétiquement , que lorsque Moïse est allé vers Dieu pour recevoir les Tables de la Loi, il vit le seigneur « en train de dresser des couronnes pour décorer les lettres ».


Il existe 7 lettres qui peuvent être couronnées de 3 taguim : ג ז ט נ ע צ ש.
et 6 lettres qui peuvent porter un tag unique : ב, ד, ה, ח, י, ק
Les 9 autres lettres ne portent pas de tag : א, ו, כ, ל, מ, ס, פ, ר, ת


Marc-Alain Ouaknin, Les Symboles du judaïsme :
couronne de 3 taguim sur unayin


Certaines lettres sont surmontées de petites fioritures appelées couronnes. Plus précisément , sept des vingt-deux lettres de l’alphabet hébraïque sont ornées sur leur partie gauche de trois petits traits appelés Taguim (Tag au singulier) ou ketarim (ketar au singulier), c’est à dire “couronnes” . Ces sept lettres sont : Chin, Ayin, Têt, Noun, Zayin, Guimel, Tsadé…
Pour comprendre le sens de ces couronnes, il faut faire une autre remarque concernant les lettres de l’alphabet. Comme le souligne Rabbi Tsadoq Hakoken de Lublin, il existe une différence essentielle entre la manière d’écrire les caractères hébraïques et les caractères latins. Il s’agit de la position de la lettre par rapport à la ligne tutrice. Dans l’écriture latine , la lettre repose sur une ligne inférieure : en revanche dans l’écriture hébraïque, la lettre est accrochée , suspendue à la ligne supérieure….
La ligne tutrice supérieure est la limite de l’écriture : elle a un sens symbolique , car elle trace la limite entre l’écriture et l’au-delà de l’écriture. On remarquera que le corps d’aucune des vingt-deux lettres de l’alphabet hébraïque ne dépasse cette limite. Aucune , presque aucune plutôt, car il existe une exception :
Le nom de cette lettre renferme le sens même de sa forme : Lamed est la racine sémantique de tout ce qui entretient un rapport quelconque avec l’étude et l’enseignement : enseignement à la lettre de cette lettre Lamed qui dit « l’apprendre »
Apprendre , c’est entrer dans ce mouvement de dépassement de la ligne d’écriture, aller « au delà du verset ». Lamed signifie « étudier ». De cette lettre vient le mot de Talmud , livre clef de la pensée juive. Non pas le lieu recueilli d’un savoir, mais l’exigence poursuivie de la recherche , du questionnement et de l’interprétation.



Robert Elbaz paceminterris
Les Tagim ou couronnes comme micro signes
Tout signe hébraïque avant de signifier comme totalité synthétique signifie d'abord au niveau de ses composantes, qui constituent des micro-signes—le niveau de la lettre—qui sont à leur tour réductibles à un niveau encore plus fondamental, celui des couronnes ou (Tagim) situés au-dessus des lettres de la Torah. Ces couronnes ne constituent pas par ailleurs des décorations ou des ornements additionnels, puisqu'ils n'apparaissent qu'au-dessus de certaines lettres, notamment selon la tradition kabbalistique, celles qui manifestent une négation, un manque qui doit être compensé par toutes les interprétations, tous les remplissages sémiotiques possibles:

Les couronnes ne sont là que pour signaler, à propos de ces lettres, l'existence d'un manque, d'une négativité, qu'il s'agira ensuite de combler par les commentaires, les explications qui seront données. Le contenu de ces commentaires n'a aucun rapport, évidemment, ni avec la forme des couronnes ni avec quoi que ce soit de l'ordre de ce qui est écrit ou qui apparaît dans le texte.

Alors que les lettres sont complètes en elles-mêmes et donc reconnaissables, elles doivent porter ces couronnes afin de signifier quelque chose dans l'espace blanc du rouleau de la Torah. Indépendantes, ces couronnes s'imbriquent sur les lettres et leur donnent une dimension arbitraire dans le signe, car il n'y a aucune relation de nécessité entre ce qu'elles s sont et ceux qu'elles s signifient. Leur signification ne peut pas être fixée; ces signes incluent toute la tradition orale qui peut être incorporée au texte et reflètent cette dimension interstitielle qui permet la flexibilité du texte—une élasticité qui ne connaît pas de limites, car le texte peut s'ouvrir indéfiniment pour intégrer une série indéfinie d'éléments qui composent son extra textualité mouvante. En bref, les couronnes sont là pour indiquer au lecteur une ouverture, une possibilité d'interprétation sans toutefois suggérer une direction ou une fermeture.

Cette imbrication sémiotique (couronnes/lettres/mots-signes) opère dans l'espace hébraïque un processus de production explosif qui génère indéfiniment des mises en ordre sémiotiques. Il en résulte que c'est précisément le blanc qui entoure la lettre qui lui octroie sa positivité; ce n'est pas la ot qui porte son blanc mais plutôt l'espace blanc qui porte la lettre: ce vide blanc porte la couronne, la lettre et le mot-signe aussi bien que les formations macro-sémiotiques du texte hébraïque. (A part les blancs entre les Otiyot, il y a aussi les blancs qui séparent les parashiyot ou chapitres. En bref, à tous les niveaux, que ce soit celui de la ot ou du texte dans son entier, ce sont les écarts textuels qui conditionnent la production du sens, car si le Texte Biblique reflétait une plénitude de sens, il serait fermé une fois pour toutes à l'interprétation—l'équivalent d'un rouleau totalement couvert, jonché d'otiyot au point où toutes les identités sémiotiques s'évanouissent. Et comme le texte est trans-historique sa poly signification multiplie avec chaque nouvelle signification. Ceci est nécessairement conditionné par le vide incommensurable du Texte, par le blanc indéfini qui l'accompagne. Le blanc est en même temps parallèle à chaque Ot et tout inclusif entre les parashiyot ou chapitres au niveau du texte dans sa totalité.

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